L’île de Giovanni – Mizuho Nishikubo

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30 Mai 2014 par sweetmadonna

Voici un article qui changera un petit peu puisqu’il concernera un animé actuellement en salle (en tout cas au moment où j’écris ces lignes). Distribué en France par Eurozoom et Kazé, L’île de Giovanni est un film de Mizuho Nishikubo, qui a longtemps travaillé avec Mamoru Oshii, notamment sur Ghost in the Shell, et qui réalise ici son troisième film. Malgré des critiques très élogieuses de la presse, le film semble provoquer l’indifférence, même parmi les fans d’animation. Ainsi, il est fort possible que le nombre de salles proposant le film, déjà assez faible, diminue encore grandement la semaine prochaine. On met donc de côté l’article prévu initialement pour aujourd’hui pour faire un petit zoom sur ce film, que vous devez absolument aller voir (et/ou dont vous devez parler autour de vous, rappelant que film d’animation ne veut pas forcément dire film pour enfants).

 

L'ile de Giovanni

 

 

Le synopsis :

 

1945 : Après sa défaite, le peuple japonais vit dans la crainte des forces américaines. Au nord du pays, dans la minuscule île de Shikotan, la vie s’organise entre la reconstruction et la peur de l’invasion. Ce petit lot de terre, éloigné de tout, va finalement être annexé par l’armée russe. Commence alors une étrange cohabitation entre les familles des soldats soviétiques et les habitants de l’île que tout oppose, mais l’espoir renaît à travers l’innocence de deux enfants, Tanya et Jumpei…

 

Le film :

 

Mizuho Nishikubo nous fait suivre les aventures de la famille de Junpei, insérant dans son récit des passages d’un livre inachevé et très connu au Japon, « Train de nuit dans la voie lactée« . Ces passages permettent de mettre un peu de poésie dans le récit, globalement très dur et loin d’être joyeux, le film n’étant clairement pas à destination des enfants, qui risqueraient fort de s’ennuyer. Si on découvre la vie sur l’île de Shikotan, tout va changer lors de l’annonce de la défaite du Japon lors de la guerre. L’arrivée des russes, qui imposent un embargo aux japonais de l’île, leur prennent leur maison et leur terres, va bouleverser la vie de Junpei, son jeune frère Kanta, son père Tetsuo, son oncle Hideo, son grand-père Genzo et sa maîtresse d’école, Sawako. Si leur mode de vie doit s’adapter, les enfants parviendront à créer des liens entre eux, malgré une langue et une culture différente. C’est ainsi que Junpei va progressivement se lier à Tanya, fille du commandant russe, dont la famille a pris possession de l’ancienne maison de notre héros. Mais l’étape suivant de l’annexion russe, la déportation en camp de travail des japonais, va mettre fin à ce début de romance… Une autre vie débute alors pour Junpei et sa famille.

 

Comme dit plus haut, l’histoire principale est entrecoupée de passages oniriques, rêvés par Junpei, inspiré d’un roman très connu (d’où provient le prénom Giovanni, qui aurait inspiré celui de Junpei à sa défunte mère). Ces passages équilibrent un peu le récit et permettent d’offrir une autre atmosphère. En effet, le réalisateur a décidé de proposer 3 graphismes différents pour coller aux 3 temps du récit : un trait réaliste pour le présent, avec quelques images de synthèse pour la représentation de l’eau et des oiseaux, un trait plus « ancien », avec un rendu plus proche du crayonné et moins lisse et rond, plus anguleux et brut, pour les passages dans le « passé » (qui constituent la majorité du film) et donc un autre graphisme pour les passages rêvés par notre héros. Trois ambiances, trois graphismes, assurant au final une belle complémentarité et une certaine cohésion à l’ensemble. Ces ambiances, on les doit en grande partie à l’illustrateur argentin Santiago Montiel, directeur artistique des décors du film, dont une exposition est en cours Au dernier bar avant la fin du monde, à Paris.

 

Tanya, Kanta et Junpei

 

L’histoire narrée dans L’île de Giovanni est inspirée de faits réels, peu connus sous nos contrées. Mizuho Nishikubo ne cherche pas à adoucir le récit, montrant les conséquences de la déportation sur la santé de certains japonais exilés notamment. Pour adoucir ce propos, nous aurons quelques « romances », entre Junpei et Tanya, ou entre Tetsuo et Sawako, nous aurons également quelques passages plus humoristiques, le personnage souvent à l’origine de ceux-ci étant Hideo, l’oncle exubérant de Junpei. L’ensemble est cohérent, suffisamment dosé et équilibré pour offrir un récit prenant, captivant, touchant et qui sonne très vrai dans son propos. L’animation est également de qualité, celle-ci ayant été confiée à Nobutaka Ito, qui a notamment travaillé sur Steamboy, Ghost in Shell, Samouraï Champloo ou plus récemment Les enfants loups. De jolies références.

 

Chacun pourra trouver dans L’île de Giovanni des scènes fortes, qui lui resteront facilement en mémoire après la visionnage. La construction du petit train, avec le début du rapprochement entre Junpei et Tanya et les magnifiques jeux de lumières proposés, celle des retrouvailles entre Tetsuo et ses fils, celle du retour de Junpei et Kanta au Japon… Bref, un film qui possède toutes les qualités pour devenir un classique de l’animation japonaise, à l’instar du Tombeau des lucioles, auquel il est souvent comparé (époque similaire, thèmes proches…)

 

A l’heure où se pose la question de la présence à l’affiche de nos cinémas de films d’animation japonais autre que les films du célébrissime studio Ghibli, aller voir L’île de Giovanni au cinéma relève presque du « devoir » du fan. Je ne peux donc que vous conseiller de vous renseigner pour voir si le film passe près de chez vous, sa présence dans les salles étant très compromise suite aux premiers chiffres d’entrées en salle… Et en plus, vous passerez un excellent moment !

10 réflexions sur “L’île de Giovanni – Mizuho Nishikubo

  1. Down dit :

    Tout à fait d’accord sur le fait qu’il faut aller voir ce film, il est bon et ce serait dommage que l’on ne tente pas plus de sortir du non-Ghibli en France parce que le succès n’est pas au rendez-vous.
    Je vois souvent dis par contre que le film est très dur, et il est comparé au Tombeau de Lucioles sur ce point, mais je n’ai pas tant eu ce sentiment. Il n’y a pas ce coté implacable et dramatique du Tombeau dans ce film: beaucoup de passages sont assez joyeux et ceux qui sont difficiles n’appuient pas tant que ça sur le terrible de la situation. Giovanni, j’en retiens surtout en fait ses passages positifs. Alors que le Tombeau, j’en retiens que je ne sais pas si j’aurais le courage de le revoir un jour, tellement il est dur, sans concession, inexorable.
    D’ailleurs sur ce point, je ne suis pas tellement d’accord sur le fait que ce ne soit pas un film pour les enfants. Ils en penseront ce qu’ils en penseront, mais ne pas montrer un film de ce genre à ses enfants parce qu’il est dur, c’est les sous-estimer voire même les surprotéger. Faites voir le Tombeau ou Nausicaa à vos enfants, ça les marquera mais ça ne leur fera que le plus grand bien.
    Bien vu pour les trois styles distincts, la différence entre passé et présent m’avait échappée. Et je pense la même chose pour les scènes fortes que j’ai trouvés excellentes, surtout les deux premières que tu cites.

    • sweetmadonna dit :

      Nous sommes d’accord sur le fait que rien ne pourra égaler le Tombeau des lucioles en terme de « dureté ». Mais je pense que la comparaison vient de 2 points communs : le contexte historique et les drames familiaux qui y sont narrés. Certes, dans L’île de Giovanni, tout est atténué. Mais difficile de ne pas faire le lien entre les deux films ^^

      Pour le côté « pas un film pour enfants », j’entends par là que, pour moi, pour bien saisir un film, s’y intéresser, il faut au moins comprendre de quoi il est question. Je ne suis pas certain qu’un enfant de moins de 10 ans puisse situer convenablement le contexte et par conséquent, j’ai l’impression qu’il aura beaucoup de mal à ne pas s’ennuyer, au contraire d’un film comme Lettre à Momo, plus « accessible ».

      Et j’avoue que je force volontairement le trait sur cet aspect dès que je le peux pour rappeler qu’un film d’animation, ce n’est pas forcément pour les enfants, contrairement à ce que pensent beaucoup « d’adultes » (ils pensent la même chose des mangas également la plupart du temps).

      Merci en tout cas pour ton commentaire !

  2. hana dit :

    J’ai également eu l’impression que je faisais mon devoir de fan en allant le voir, et je ne regrette pas une seconde =) Très touchant !
    Voici ma propre chronique, si tu es intéressé :
    http://hana.hautetfort.com/archive/2014/05/30/l-ile-de-giovanni-5381156.html
    A bientôt 😉

  3. Kiba-chan dit :

    Je ne lis pas toute la critique car je ne l’ai pas encore vu (faute du mémoire à rendre dans une semaine) mais je trouve ça vraiment dommage qu’il soit projeté dans aussi peu de cinéma, je suis fan des Ghibli mais c’est justement ça qui me pousse à aller voir tous les films d’animation asiat’ qui sortent au cinéma ! Je ne comprends pas trop l’indifférence des gens. Je vais me dépêcher d’aller le voir du coup !

  4. Kiba-chan dit :

    Après l’avoir vu, je dois dire que j’en ai également fait une bonne critique sur mon blog : mêler un livre déjà existant à l’histoire m’a d’autant plus convaincu (grosse déception quand j’ai vu qu’il n’était plus édité T_T encore une fois les éditeurs auraient vraiment pu remettre leur fond en avant ! Ce fut pareil pour la nouvelle Le Vent se lève –‘ ). Cela amoindrit la dureté de l’histoire mais c’est vraiment du très bon travail !

    • sweetmadonna dit :

      En effet, cela amène un peu de douceur dans une histoire très dure et triste dans son fond. Plutôt malin et efficace !

    • Down dit :

      Si tu parles bien de Train de Nuit dans la Voie Lactée, la rupture de stock doit être très récente et peut-être être due au film, puisque je suis à peu près sûr d’avoir acheté le mien il y’a moins d’un an, et d’en avoir vu des exemplaires récemment en fnac.
      La réédition ne semble pas improbable du coup. Et puis il reste l’occasion.

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