Goggles – Tetsuya Toyoda

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21 octobre 2013 par sweetmadonna

Je vous avais parlé de la sortie de ce one-shot il y a peu de temps, lors de l’article consacré à Undercurrent. En effet, Goggles est un recueil de 6 histoires courtes (disons plutôt 5, puisque l’une d’entre elles ne fait que 2 pages) de Tetsuya Toyoda. Si 4 d’entre elles ont pour thème sous-jacent les problèmes familiaux, elles permettent surtout de retrouver un auteur en phase avec son époque et dont la manière de raconter les histoires peut être considéré comme un mélange de Jirô Taniguchi et Inio Asano. Disons en tout cas que l’on pense parfois à ces auteurs lorsque l’on lit les différentes petites histoires qui composent Goggles.

Goggles, Tetsuya Toyoda

Ce recueil est donc composé de 6 histoires, réalisées à différentes périodes entre 2003 et 2012 (année de sortie du recueil) et vont donc de 2 pages à une soixantaine pour les plus longues. La plus ancienne, Goggles, est donc elle qui a permis à Tetsuya Toyoda de remporter le pix Afternoon de la Kodansha et donc de débuter sa carrière. La plus récente, datant de novembre 2012, est d’ailleurs une histoire « préquelle » à Goggles. Une manière parfaite de « boucler la boucle ». La postface nous permet d’ailleurs de faire le lien entre certaines d’entre elles, soit avec Undercurrent, soit avec les autres nouvelles. Mais nous y reviendrons plus tard.

 

Prenons les histoires dans l’ordre. La première histoire, Slider, propose une soixantaine de pages publiées en janvier 2008 où le fantastique côtoie l’humour. Il y est en effet question du « dieu de la misère », un vieil homme qui provoquerait la perte des personnes le voyant.  Un chômeur, un intérimaire fauché (Koichi, qui apparait dans Goggles) et un écolier sont les personnages principaux du récit qui va mener nos 3 héros dans une grande propriété où est enfermé le « dieu de la fortune », jumeau de l’autre. Une histoire souvent drôle, un brin fantaisiste et qui nous change de ce à quoi l’auteur nous avait habitué avec Undercurrent.

 

Extrait de Slider

 

La seconde, Mr. Bojangles, met en scène le détective privé Yamazaki, personnage important d’Undercurrent.  Ecrite en avril 2011 et composée de 25 pages, cette histoire nous fait suivre l’enquête de Yamazaki à la recherche d’un vieux monsieur, anciennement proche d’une petite fille devenue grande et qui souhaiterait l’inviter à son mariage. Une enquête qui va révéler un personnage secret, changeant constamment d’identité, le tout fait avec le tact et la légèreté habituelle de l’auteur. On retrouve un peu de l’ambiance d’Undercurrent ici, bien que le format court ne permette pas une immersion totale.

 

Vient ensuite Goggles, la fameuse nouvelle ayant lancé la carrière de Tetsuya Toyoda. Ecrite en septembre 2003 et longue de 52 pages, cette nouvelle nous permet donc de retrouver Koichi, aperçu dans Slider, qui est hébergé par un salarié de sa connaissance. Celui-ci lui confie un jour une petite fille d’une dizaine d’années prénommée Hiroko et désormais sans famille. Son signe particulier : elle porte des lunettes de protection de moto, celles de son grand-père décédé (Goggles, en anglais). Une fois encore, Tetsuya Toyoda nous montre qu’il maîtrise parfaitement ces sujets, ceux narrant la vie quotidienne et ses vicissitudes, les aléas de la vie parfois durs et qu’il faut pourtant surpasser. La relation qui se noue entre Hiroko et Koichi est particulièrement touchante, tout comme le destin de cette petite fille que la vie n’a pas épargné. Histoire dont l’auteur a réalisé le storybord durant les années 90, Goggles est une vraie petite perle de sensibilité et de justesse comme on aimerait en lire plus souvent.

 

Juste avant l’histoire Aller voir la mer, préquelle de Goggles, Tetsuya Toyoda nous propose 2 planches datant de janvier 2007 et mettant en scène les personnages d’Undercurrent s’ils avaient été libraires. Deux pages sympathiques avec une chute qui décroche un sourire. Suit donc la préquelle de Goggles, 24 pages réalisées en novembre 2012 et qui nous permettent de voir notre petite Hiroko avec son grand-père et de comprendre le lien très fort qui les unissait.  Un vrai complément, très agréable et de qualité.

 

Le recueil se finit par une histoire de 45 pages écrite en octobre 2012 et qui rappelle un peu le titre de Jiro Taniguchi « Le gourmet solitaire ». En effet, le but du personnage principal de cette histoire, M. Sakai, est de retrouver un restaurant dont le tonkatsu (nom de cette nouvelle) possédait un goût particulier et unique. Il est pour cela aidé par une jeune employée de banque, Chiaki, chargée d’une enquête sur des transactions troubles qui auraient eu lieu par le passé.  Et M. Sakai aurait des informations permettant de clarifier cette affaire. La recherche du tonkatsu parfait est donc la condition pour qu’il révèle ce qu’il sait. On enchaîne donc les restaurants, moments entrecoupés de passages plus intimistes, notamment entre Chiaki et son frère, ou sur les raisons poussant M. Sakai à recherche ce tonkatsu si particulier. Une fois de plus, Tetsuya Toyoda parvient à rendre passionnant un récit partant d’une base très simple. Un exercice qu’il semble maîtriser à la perfection en tout cas.

 

Goggles

 

Comme le fait remarquer l’auteur dans la postface, la plupart de ces histoires  abordent le sujet des problèmes familiaux, sujet déjà fortement présent dans Undercurrent. S’il est difficile de parler de sujet de prédilection (notamment parce que Toyoda offre avec Slider une nouvelle de grande qualité sans que ce thème n’y apparaisse), force est de reconnaître que le graphisme du mangaka s’accorde parfaitement avec la mélancolie présente dans les histoires de ce type. Il s’agit d’ailleurs là d’une des grandes forces de ce recueil : un graphisme léger, aérien, qui sait s’adapter aux différentes émotions (les trombines de nos héros dans Slider par exemple) et laissent parfois admiratif par la force qu’il dégage, plus particulièrement dans la préquelle de Goggles, Aller voir la mer.

 

Un petit mot sur l’édition maintenant. Troisième titre de la collection Latitudes de Ki-oon (après les deux titres de Kaoru Mori, Emma et Bride Stories), l’édition de Goggles souffre des mêmes défauts que ces prédécesseurs. Impression de qualité correcte, papier moyen, pas de pages couleurs, ouvrage très souple et 228 pages, le tout pour 14€. On est loin du rapport qualité/prix auquel Ki-oon nous a habitué avec ces formats normaux (la différence entre les deux éditions de Bride Stories est édifiante). A 12€50, ce serait parfait mais à 14€, cela fait un peu cher au final, malgré les évidentes qualités du contenu.  Dommage, mais on fera avec.

 

Après un premier one-shot très convaincant, on attendait Tetsuya Toyoda au tournant pour ce recueil offrant des histoires d’un tout autre format. Il est souvent difficile de passer d’un format court à un format plus long (et inversement) mais le mangaka s’en sort ici avec brio et réussit l’exploit d’offrir un recueil d’une qualité très constante, sans accroc particulier. On appréciera les différents tons, les liens qui unissent les histoires entre elles ou avec Undercurrent qui renforcent l’impression d’un univers propre à l’auteur et bien entendu son fameux coup de crayon, sobre et efficace.

4 réflexions sur “Goggles – Tetsuya Toyoda

  1. Darkjuju dit :

    Ayant connu l’auteur par Undercurrent, je me suis donc procuré ce One Shot. Sur les 6 histoires 3 sortent réellement du lot et sont très émouvantes, les 3 restants restent très sympathique à lire mais ne marquent pas les esprits.
    Dans l’ensemble je l’ai trouvé moins passionnant qu’Undercurrent du fait de son format d’histoires courtes, mais ce One Shot reste de bonne qualité.
    Je recommande de le lire pour sa sensibilité.

  2. bidib dit :

    je n’ai toujours pas lu Coffee time mais finalement je me suis acheté Goggles.
    Après nos échanges lors de ton article sur Coffee time je me suis rendue compte que je connaissez Tetsuya Toyoda. Je n’avais pas retenu son nom mais j’ai lu il y a quelques temps Underground. J’avais beaucoup aimé.
    Avec Goggles mon sentiments se confirmes puisque j’ai également beaucoup apprécié cette lecture. Cette fois faut que je retienne son nom !
    Je n’avais pas fait attention aux nom des personnages et je n’ai pas fait le lien entre les différentes histoires. Vu sous cet angle l’ensemble en est d’autant plus intéressant. Merci de me l’avoir fait remarquer 🙂 (Je n’ai pas lu la postface -_-‘)
    Pour ce qui est de la collection Latitude, c’est le premier album que je m’achète. Je suis d’accord avec toi. Je le trouve un peu trop chère. Du coup j’ai acheté le mien de deuxième main 🙂

    • sweetmadonna dit :

      Tu dois vouloir parler d’Undercurrent je pense. ^^

      Concernant le prix de cette collection, un travail supérieur sur la couverture, la qualité du papier, des pages couleurs, un vrai appareil critique, bref, un truc en plus, n’aurait pas été de trop. Car là, on perd la jaquette et le format poche pour juste un truc plus grand, sans apport supplémentaire. Mais ça doit être hyper rentable quand un titre comme celui-ci marche.

      • bidib dit :

        MDR oui, je voulais dire undercurrent 🙂
        Etant donne que je prefere les format poche, une collection qui propose juste un format plus grand n a aucun interet a mes yeux. Mais bon, ca n enleve rien a la qualite du titre. Disons que cette edition ne lui donne aucun plus non plus

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