Seediq Bale, les guerriers de l’arc-en-ciel – Row-Long Chiu

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10 octobre 2013 par sweetmadonna

Après de longues et fructueuses années de collaboration, Akata et les éditions Delcourt ont annoncé leur « divorce » il y a de cela quelques mois. Ainsi, à la fin de l’année, Akata n’existera plus qu’en tant qu’éditeur indépendant et non plus comme directeur de collection pour Delcourt, « perdant » du même coup tous les titres lancés depuis le début de cette collaboration. On ne remerciera jamais assez les personnes ayant travaillé avec passion pour diffuser chez nous des titres atypiques tels Ki-Itchi, Dossier A, Ascension, Enfant soldat, L’affaire Sugaya et des titres devenus cultes comme Nana ou Fruits Basket. Bref, une nouvelle page de l’histoire d’Akata s’ouvre et le petit éditeur engagé, basé dans le Limousin, débute par un titre unique en son genre et parfaitement dans la ligne éditoriale à laquelle nous avait habitué l’éditeur. Seediq Bale, de Row-Long Chiu, est en effet un véritable documentaire dessiné, témoignage historique d’un épisode sombre et inconnu de l’histoire de Taïwan : la révolte de Wushe, ou lorsque les aborigènes Seediq ont décidé de s’opposer à l’envahisseur japonais .

Seediq Bale, Row-Long Chiu

 

Fruit d’un travail de plus de 20 ans, Seediq Bale s’appuie surtout sur des témoignages de survivants de la révolte et se veut être un récit le plus fidèle possible à la réalité, l’auteur tentant de ne pas prendre parti et essayant de nous présenter les événements tels qu’ils se sont vraiment produits, mettant tantôt en avant la violence japonaise, tantôt celle des Seediq. Très impliqué, Row-Long Chiu l’est d’autant plus que sa femme est elle-même d’origine Seediq. On ne peut donc, au final, que saluer le fait que son récit se veuille aussi didactique et détaché alors qu’il aurait été assez simple pour lui de faire passer le peuple japonais pour le grand méchant en accentuant certains points. Car il ne faut pas non plus se leurrer : on parle ici de colonisation, d’asservissement (ou de tentative d’asservissement) d’un peuple, d’éradication d’une culture et de ses coutumes. Il n’est donc pas très difficile de « choisir son camp », même si tout est loin d’être noir dans l’occupation japonaise de Taïwan et de ses conséquences.

 

Le peuple Seediq

 

Il faut donc avant tout prendre Seediq Bale pour ce qu’il est : un témoignage objectif d’un événement passé sous silence pendant longtemps, à tel point que certains descendants du peuple Seddiq ignoraient tout de cet épisode de leur histoire commune. A mi-chemin entre la bande dessinée et le roman illustré, Seediq Bale, les guerriers de l’arc-en-ciel permet au lecteur d’identifier facilement tous les acteurs de cet événement, que ce soit du côté des peuples aborigènes taïwanais que du côté des soldats japonais. Les efforts effectués par ces derniers pour « éteindre » la culture Seediq sont d’ailleurs montrés sans parti-pris, l’auteur n’occultant pas les tentatives de « japonisation » des Seediq (par l’éducation des plus jeunes dans le moule japonais ou le mariage – souvent forcé – entre femmes Seediq et militaire de l’archipel) mais aussi « l’apport » de la civilisation dans la région de Wushe. L’un des exemples les plus marquants est l’épisode où un Seediq se blesse en faisant descendre des troncs d’arbre dans la vallée et où la solution pour qu’il s’en sorte réside dans la dispensaire de soins installé par les japonais.

Shapo Biho s’en prend à un soldat japonais

 

Côté édition et promotion, Akata a fait les choses en grand, en très grand même. Plusieurs articles sur le titre sur leur blog, des jeux concours originaux (avec un CD de chants aborigènes taïwanais ou un T-Shirt de l’association Survival), des fonds d’écrans spéciaux sont venus accompagnés la sortie de l’ouvrage qui se présente dans un grand format, avec 16 pages couleurs pour commencer, une couverture cartonnée et un appareil éditorial très complet comprenant pas moins de 6 postfaces + une inédite pour la France, une présentation de la culture Seediq et un long entretien avec l’auteur. Bref, du très bon boulot et qui permet de justifier le prix de l’ouvrage (23€50). Avec ce premier titre, Akata frappe fort, de part la portée unique qu’il en émane mais également car il place la barre très haut quant aux prochaines oeuvres de ce tout nouvel éditeur que l’on connaît déjà très bien. Et on a hâte.

 

 

PS : Petit bémol malgré tout : on notera à plusieurs endroits des petits problèmes soit d’orthographe, soit de syntaxe (de mémoire, j’en ai croisé 4 ou 5, faisant tiquer sur le moment avant de s’effacer devant le fond). Un détail, mais qui empêche de faire du livre un objet parfait.

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